L’origine d’une ambition : la victoire aux 24h du Mans
Dans les années 60 la firme Porsche a un rêve, gagner les 24h du Mans. L’une des courses les plus prestigieuses et difficiles du monde. Il est une chose de gagner le Championnat du Monde d’Endurance, mais une seule victoire est presque plus importante que tout le championnat, celle du Mans.
Depuis 1951, Porsche participe au 24h du Mans chaque année. Porsche a aligné toutes ses générations de voiture sur la grille de départ, à commencer par la Porsche 356 et son moteur 4 cylindres à plat, pouvant atteindre 160 km/h.

Porsche 356 Light Metal au Mans 1951
Source Photo : Auto-forever.com
Durant ces années 60 Porsche est présent au Mans avec ses modèles 906, puis 907 et 908, mais à l’époque toute la lumière sera projetée sur la bataille Ferrari Vs. Ford. Cependant, la CSI (Commission Sportive Internationale) mettra fin cette bataille en changeant les réglementations de la Catégorie Sport du Championnat pour la saison 1968. Au vue des moyennes de vitesse enregistrées en 1967, il est décidé de limiter les cylindrés à 5L pour des modèles produits à 50 exemplaires. Ford ne pourra plus utiliser son V8 de 7L dans sa GT40 et Ferrari remisera sa fabuleuse P4.
Porsche, qui a favorisé ces nouvelles mesures, est déjà prêt avec sa 907 et part favoris de la saison et des 24h du Mans 1968. Mais le scénario ne se déroule pas comme prévu car John Wyer se lance aussi cette année-là avec des Ford GT40 dotées d’un V8 de 4.9L. Malheureusement pour Porsche, Wyer gagnera les 24h du Mans cette année-là.

Porsche 907 – 1968 (Source : Artcurial.com)

Ford GT40 Gulf – 1968 (Source : Ponynsnake.com)
En 1968 et en vue d’élargir la grille de départ, la CSI modifie à nouveau le règlement et abaisse le nombre d’exemplaires à produire à seulement 25 pour faire homologuer une voiture dans la Catégorie Sport (la plus haute catégorie du championnat d’endurance). Le responsable compétition de Porsche, Ferdinand Piëch (futur PDG du Groupe Volkswagen dans les années 90), bataille avec la direction et obtient un accord pour créer une nouvelle voiture capable de gagner Le Mans.
La naissance d’une légende
Porsche peut enfin se mettre au travail et créer une voiture capable de gagner les 24h du Mans au classement général de 1969. La firme met tout juste 10 mois pour concevoir et construire les 25 exemplaires de la nouvelle Porsche 917.
Le premier objectif est de gagner du poids : le châssis tubulaire en aluminium ne pèse que 52 kg. Certains tubes du châssis sont même utilisés pour alimenter une partie du radiateur d’huile à l’avant, permettant ainsi de gagner du poids. Une nouvelle innovation fera son apparition car ce même châssis sera également mis sous pression. De cette façon, à chaque ouverture du capot les mécaniciens peuvent vérifier si la pression dans les tubes est correcte et ainsi savoir si le châssis présente ou non un défaut de soudure.
Châssis tubulaire Porsche 917

La puissance est également de mise : Porsche crée un moteur V12 à 180° (selon les termes de son créateur Hans Mezger) à cause de son vilebrequin reprenant les codes d’un moteur V12 et non d’un moteur à plat (toujours dans l’objectif de gagner du poids). Ce moteur est un monstre et développe 520 ch dès ses premiers essais au banc de puissance, c’est bien plus que ceux des concurrents. Porsche arrivera même à développer jusqu’à 580 ch en améliorant les échappements.

Moteur Porsche 917 (Source : Guideautoweb.com)

Eclaté moteur Porsche 917 au Porsche Museum (Source : Arthomobile.fr)
Enfin, l’aérodynamisme de la voiture est conçu pour minimiser au maximum la résistance à l’air. Signe que la voiture est taillée pour battre des records dans la ligne droite des Hunaudières au Mans. Son design est très élancé et la voiture est très basse. Elle mesure seulement 92 cm de hauteur, en comparaison une Ford GT40, déjà très basse, mesure 1.02 mètre.

Profil Porsche 917 – 1969
Source Photo : Porsche.de
Porsche réussit l’exploit de construire une voiture capable de toutes les battre en seulement 10 mois. Même si pour cela il aura fallu abandonner l’idée d’avoir un système de refroidissement à eau par manque de temps. La voiture devait absolument être prête pour le Championnat de 1969, donc le refroidissement du V12 se fait par l’énorme turbine au-dessus du moteur. Turbine qui peut tout de même ventiler 2400 litres d’air par seconde.
La voiture est présentée au salon de Genève en mars 1969 et homologuée en avril par la CSI. Pour l’homologation, toutes les 917 doivent être assemblées et présentées aux commissaires. La légende raconte que le timing était tellement serré, que toute l’entreprise fût mise à contribution pour assembler à la hâte les voitures avec l’aide des secrétaires, designers et comptables compris. Il fallait pouvoir démarrer les 25 voitures le jour du contrôle. Doutant que 25 modèles pouvaient être construits en si peu de temps, les commissaires feront démarrer les 25 voitures par Porsche afin de s’assurer de ne pas avoir en face d’eux une vraie 917 et 24 factices. Une fois l’homologation terminée, les voitures seront démontées et remontées correctement par les ingénieurs Porsche.

Assemblage Porsche 917

Les 25 Porsche 917 de l’homologation (Source : Guideautoweb.com)

Intérieur Porsche 917
Un début impressionnant, mais difficile
En mars 1969, la voiture effectue ses premiers essais sur le circuit du Mans. La voiture est incroyablement rapide avec des pointes à 340 km/h sur la ligne droite des Hunaudières. Sa vitesse moyenne autour du circuit est de 230 km/h et elle bat le record au tour de 5 secondes ! Mais la voiture est dangereuse. A grande vitesse l’arrière louvoie, rendant la voiture instable. Cela est encore pire au freinage, surtout dans le virage Arnage du Mans au bout de la ligne droite des Hunaudière. Elle est rapide, mais les pilotes ne vont pas se bousculer pour la piloter.
En mai, au 1000 km de Spa, le pilote Jo Siffert préfère prendre le départ de la course avec une Porsche 908, plutôt qu’une 917 (même s’il a décroché le meilleur chrono aux essais avec la 917). Gerhard Mitter prendra le volant de la 917, mais cassera le moteur dès le premier tour après avoir engagé un mauvais rapport.
Début juin, au 1000 km du Nurburgring, trois 917 sont présentes, mais encore une fois une seule prendra le départ. Le pilote fait une course assez sage sans se frotter aux voitures de tête et termine 8ème.
Porsche 917 aux 1000 km de Spa – 1969
Source Photo : Racingsportscars.com

Mi-juin, aux 24h du Mans, Porsche aligne deux 917 et quatre 908 sur la grille de départ. Ils veulent absolument gagner cette course. Lors des essais, la 917 a une accélération incroyable, et même si elle est difficile à piloter, elle réalise les meilleurs temps. Elle prenait 10 secondes au tour aux Ford GT40 ! Durant la course, la 917 domine pendant 21h, mais le Mans dure 24h et aucune n’arrivera au bout. Jacky Ickx et sa Ford GT40 gagnent la course avec seulement 120 mètres d’avance sur la Porsche 908, et ce alors qu’il n’a pas souhaité courir comme les autres pilotes pendant le départ type Le Mans.
La course des 24h du Mans 1969 sera la dernière édition avec le départ “type Le Mans” où les pilotes devaient courir à leur voiture, démarrer, et partir le plus vite possible. Ce départ est considéré comme dangereux car les pilotes ne prennent pas le temps de s’attacher afin de partir plus vite et gagner de précieuses places. Plusieurs sont morts lors de crash pendant les premiers tours de course. En 1969, et sans rien dire à personne, Jacky Ickx prend le départ en marchant tranquillement jusqu’à sa Ford GT40 et prenant le temps de mettre sa ceinture. Parti bon dernier de la course, il arrive tout de même à la gagner 24h plus tard et prouve que le départ “type Le Mans” n’est pas utile.

Départ type « Le Mans »
Source Photo : Blog.autosphere.fr
Même si la 917 a montré son énorme potentiel et gagne sa première course en août à Zeltweg (Autriche), pour Porsche c’est un échec et le constructeur se retire des compétitions. Il continuera l’endurance via des écuries semi-officielles ou privées. Pour cette raison, il signe un accord avec JW Automotive Engineering (JWA) qui engagera les Porsche d’usines officielles du constructeur. Gulf Oil ayant des accords avec JWA, les 917 porteront les couleurs de Gulf.
Porsche 917 Gulf Oil
Source Photo : RMSothebys.com
